Marine Le Pen, mieux la connaitre
En se proclamant gaullienne dans sa vision de l'Etat, proche parfois du socialiste Arnaud Montebourg et à gauche de Barack Obama en matière sociale, Marine Le Pen s'efforce de décoller l'étiquette d'extrême droite attribuée à tort, selon elle, au Front national.
Au risque de déboussoler ses partisans nostalgiques de l'ère Jean-Marie Le Pen, celle qui a succédé en janvier à son père à la tête d'une formation traditionnellement placée à la droite de la droite ne cesse d'affirmer sa volonté de ratisser large.
"Je ne suis ni de droite, ni de gauche", déclare-t-elle dans un entretien accordé à Reuters. "Je suis frappée d'ailleurs de voir que le Front national est le seul mouvement politique auquel est accolé systématiquement le terme d'extrême droite.
"Je réfute cette étiquette parce que le Front national n'est pas un parti d'extrême droite", poursuit-elle. "Le Front national est un parti qui respecte la démocratie (...) Nous sommes des Républicains, nous respectons, et même nous défendons les principes de la République française."
Celle qui a grandi avec un parti fondé puis incarné pendant quatre décennies par son père a entrepris de le "dédiaboliser", notamment en limant les aspérités les plus radicales.
Elle va aujourd'hui plus loin, jouant même la carte de la provocation, dans le cadre d'un appel à ne pas comparer les systèmes américain et français.
"Obama, il est plus à droite que moi", dit-elle. "Son grand acte en matière sociale, c'est de mettre la sécurité sociale. Moi, je vais beaucoup plus loin que ça.
"Si on regarde juste les propositions politiques sans tenir compte du contexte historique et culturel, Obama, en l'occurrence, va être considéré comme à ma droite. Et s'il venait ici, il serait considéré comme un ignoble fasciste, parce qu'il est pour la peine de mort, etc. (...) Tout cela pour dire qu'on ne peut pas comparer."
"J'AURAIS VOTÉ MONTEBOURG"
Opposant "nationaux" et "mondialistes", Marine Le Pen ne manque pas de saluer ceux qui, à gauche, dénoncent également les excès de la mondialisation, comme Arnaud Montebourg, candidat à la primaire socialiste pour la présidentielle de 2012.
"Si j'étais socialiste, j'aurais voté Montebourg. Montebourg est le plus proche, dans les socialistes, de la vision que nous avons. Même s'il ne va pas au bout de sa logique", dit-elle.
Friande de références surprenantes, elle n'hésite pas à convoquer aussi l'imposante stature du général de Gaulle, pourtant ennemi historique des militants du FN, qui lui reprochent d'avoir trahi la cause de l'Algérie française.
"Je pense qu'il doit exister un Etat stratège, un Etat régulateur", dit-elle. "Disons que j'ai une vision gaullienne du rôle et de la place de l'Etat."
Autre nouveauté, Marine Le Pen place désormais en tête de son programme l'économie, devant les deux éternels fonds de commerce du FN, l'insécurité et l'immigration.
Son message est simple: la France doit sortir de la zone euro et revenir au franc.
"L'euro est mort", dit-elle. "Nous proposons d'anticiper la sortie de l'euro dans le cadre d'un plan concerté avec un certain nombre de partenaires européens, de réfléchir à retrouver chacun nos monnaies nationales."
CHASSE AUX "LEADERS DE DÉLINQUANCE"
L'insécurité et l'immigration figurent tout de même en bonne place dans son programme, avec des propositions susceptibles de rassurer son électorat de toujours.
"Il y a sur le territoire français 5.000 leaders de délinquance, c'est-à-dire chefs de mafia," dit-elle. "Il faut mettre hors d'état de nuire ces 5.000 personnes qui sont connues par les services de police et les extraire de leurs quartiers".
Quant à l'immigration, elle promet de la réduire de manière drastique. Elle milite en outre pour une modification du code de la nationalité avec la suppression du droit du sol, de réserver les aides sociales aux Français et de leur donner la priorité d'accès aux logements sociaux et à l'emploi.
Si ces dernières propositions reflètent sa fidélité à la doctrine naguère énoncée par son père, la cadette des filles Le Pen n'en est pas moins embarquée dans une entreprise de modernisation du FN, pour laquelle elle s'estime légitime.
"J'ai été élue par 68% des adhérents, c'est donc qu'ils pensaient que dans les 10 années qui ont précédé cette élection, je leur avais démontré que j'avais la possibilité en même temps de diriger le Front national et d'être la candidate à la présidentielle qui porterait nos idées, la plus à même en quelque sorte d'élargir le socle électoral du Front national."
Celle qui dit avoir souffert des critiques parfois violentes ayant visé un père autrement plus sulfureux qu'elle se définit comme "dure au mal", affirme ne s'inquiéter ni de sa baisse récente dans les sondages, ni de la possibilité d'une candidature d'un dissident du FN qui pourrait être Carl Lang.
Les difficultés financières de son parti n'émoussent pas non plus la combativité de cette femme de 43 ans qui dit "ne faire que de la politique", pas plus que les grincements de dents que suscite la mue qu'elle impose au Front national.
Elle ne s'attardera pas sur ses trois enfants et ses trois chats ni sur ses loisirs mais confie quand même aimer se défouler sur un stand de tir pour "se vider la tête".
Rassembler les 500 signatures et essayer de convaincre d'autres personnalités que le très médiatique avocat Gilbert Collard, président de son comité de soutien, de la rejoindre figurent parmi les missions qui attendent Marine Le Pen.
Elle pense aussi déjà aux législatives, espère voir les députés FN faire leur retour sur les bancs de l'Assemblée et rêve de fédérer les droites nationalistes européennes.
Après avoir vanté sa "carapace" et sa "grande expérience", elle consent tout juste à avouer une petite faiblesse.
"Je ne maîtrise pas l'anglais", confesse-t-elle. "En cela aussi, je suis très gaullienne."
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